A Lisbonne, les librairies et les alfarrabistes (terme que je continue à préférer au néerlandais bouquiniste) constituent les étapes récurrentes de mes promenades. Ma connaissance de la langue est toujours bien insuffisante – j’en suis resté au second certificat de l’Instituto Camões – mais j’aime explorer la littérature portugaise, et, au fil des ans, ma bibliothèque contient un domaine très honorable, à défaut d’être complètement lu. Mon approche est sans grande originalité : je repère les phares signalés par les histoires de la littérature, par les analyses du grand essayiste que fut Eduardo Lourenço et je suis les recommandations du Jornal das Lettras. J’aime aussi, de temps en temps, m’offrir une rareté, telle que l’Ulisseia ou Lisboa edificada, épopée de Gabriel Pereira de Castro ou la plaquette O Voo de Igitur Num Copo de Dados, l’intriguant hommage de Nuno Júdice à Stéphane Mallarmé. L’expérience m’a appris que les tirages sont limités et que certains titres se révèlent rapidement épuisés, sans réédition. J’achète donc parfois sans intention de lire immédiatement, mais parce que je sais que l’exemplaire que j’ai sous les yeux risque de ne plus être là lors de mon prochain séjour et qu’il sera même difficile de le retrouver chez un alfarrabiste. Je ris de ce juriste hollandais qui me dit un jour qu’il ne fallait acheter un livre que si l’on était sûr de le lire. Ajoutez à cela mon goût pour les éditions sérielles de référence et vous comprendrez pourquoi je suis toujours à la recherche déçue du volume de A Ilustre Casa de Ramires, paru en 1999, unique volume qui manque à ma collection de l’édition critique de l’oeuvre d’Eça de Queiros, dirigée par le Professeur Carlos Reis, publée année après année par l’Imprensa nacional – Casa de Moeda (INCM). (Le plus souvent, je lis Eça en traduction, cette collection de beaux volumes dont les couvertures colorées évoquent l’univers des azulejos est un des charmes de ma bibliothèque). Esgotado, épuisé, est le terme craint du collectionneur, mais aussi le mot qui stimule sa passion de retrouver la rareté absente.
Malheureusement, à Lisbonne, comme ailleurs, les librairies disparaissent. Depuis trente-quatre ans que je viens ici, je les vois disparaître au fil des séjours.
Disparus les deux magnifiques magasins d’alfarrabistes de la Rua Nova de Trinidade, en face de l’église São Roque. Celui de droite était spécialisé dans les ouvrages historiques, les gravures, les cartes, les planches de botanique. J’y entrais parfois, pour le seul plaisir de feuilleter.

J’aimais beaucoup celui de gauche, dont les étagères étaient fabuleuses et l’univers assez fantastique, vielle proue de navire en sirène de bois, statuettes publicitaires des années 20, masques africains, maquettes de navires et chat trônant sur un sofa de cuir antique. En 1999, j’avais acheté là une vielle édition de O Mundo no Ano 3000, dont je ne savais pas encore qu’il s’agissait d’une adaptation du Monde tel qu’il sera d’Emile Souvestre, un des premiers romans français d’anticipation paru en 1846. Le grand bibliophile vernien Piero Gondolo della Riva, l’homme qui racheta la bibliothèque de l’éditeur Hetzel, me proposa un jour d’échanger cet exemplaire portugais contre trois exemplaires de l’édition originale. Je suis un collectionneur sentimental, et non un spéculateur, et bien évidemment je refusai.

Disparu l’alffarabiste désordonné du bas de la Rua Nova Trinidade. Long couloir sombre, titres populaires. Je n’y ai jamais rien acheté.
Disparu l’alfarrabiste de l’Avenida Elias Garcia, à deux pas de la Fundação Calouste Gulbenkian, que j’arrivai à convaincre, non sans difficultés, de me céder deux des cinq volumes de l’História e Antologia da Literatura Portuguesa éditée par ladite fondation. Il était très inquiet, et je le comprends, de dépareiller sa propre collection pour compléter la mienne. Il m’annonça qu’il allait déménager à Óbidos, petite ville médiévale promue ville littéraire par l’Unesco depuis qu’en 2013 la plus grande librairie du Portugal s’est ouverte dans une église désaffectée. Trop loin.
Disparue la petite boutique du vieil alfarrabiste de la Rua Pouço dos Negros, qui me retrouva dans la pénombre quelques éditions originales des petits romans d’Antonio Ferro, Batalha de Flores, A Amadora dos Fenomenos, A Idade do Jazz-Band, dont la fantaisie rappelait à Valery Larbaud celle de Joseph Delteil. (Pour me procurer les écrits de Salazar réunis par Antonio Ferro et introduits par une regrettable préface dans laquelle Paul Valéry loue les mérites du régime de dictature, il m’a fallu passer par un alfarrabiste en ligne français).

Disparus d’autres petits alfarrabistes de la même rue du puits aux nègres dont les vitrines proposaient des exemplaires défraichis de romans policiers, sentimentaux, de l’édition brésilienne d’Os Maias et de vieux Mickey. C’est dans une de ces petites boutiques humides que j’ai trouvé la Doutrinação da Sociedade liberal d’Almeida Garrett. Je me souviens avoir épaté le réalisateur António-Pedro Vasconcelos dans un colloque sur le cinéma, où il était de bon ton de dénoncer l’impérialisme culturel américain et la faiblesse de la riposte européenne. J’avais cité un texte de 1826 du poète et penseur politique qui proposait une comparaison entre l’Europe corsetée et l’Amérique entreprenante.
Disparue la grande boutique de l’alfarrabiste de la Rua da Misericordia, assez académique, où je trouvais les oeuvres d’Antonio Sergio, qui, avec Antonio Ferro, avait accueilli Larbaud lors de sa mémorable visite de 1926.
Disparue la petite boutique de l’aimable alfarrabiste barbu de la Rua da Palmeira, au-dessus de la Praça das Flores, qui avait en vitrine des petites figurines des années 60. Je crois bien que c’est lui qui est arrivé à me dégotter Valery Larbaud e Portugal de Joaquim Paço d’Arcos.

Disparue la délicate et luxueuse boutique de l’alfarrabiste de la Rua Anchieta, au Chiado. Assez intimidante. Je n’y suis entré que deux ou trois fois, lorsque je cherchais un titre rare et précis. La dame, très aimable, comprenait les maladresses de mon portugais et me répondait dans un français distingué.
Disparu l’artistocratique alfarrabiste des alentours du Teatro São Carlos, qui étalait en vitrine les pages de titre avec frontispices gravés de larges ouvrages de l’époque du Marquis de Pombal.
Disparu O Rei dos Livros, rua das Douradores, la rue dont Fernando Pessoa pensait qu’il ne sortirait jamais, Cette librairie, je ne l’ai jamais connue ouverte, mais je me souviens d’en avoir photographié l’enseigne à l’époque où je collectionnais les rois : O Rei do Bacalhau, Rua do Arsenal, O Rei das Malhas, Largo Rafael Bordalo Pinheiro, O Rei das Chaves, je ne sais plus où.

Disparue la librairie du Diario de Noticias, sur le Rossio, qui proposait des albums de photos touristiques. La devanture art nouveau a été aménagée pour une bijouterie.
Disparue la librairie officielle du Ministerio da Cultura, qui se trouvait à l’entrée de la Rua das Portas de São Antão, un peu avant la Casa do Alentejo. Elle ne présentait que de luxueux ouvrages encyclopédiques sur le patrimoine national, auxquels on feignait de s’intéresser.
Disparue la Livraria Lello, dans la pente de la Rua do Carmo, qui était tenue par deux petites vieilles dames. J’y suis entré plusieurs fois, mais je ne me souviens pas d’y avoir jamais acheté quoi que ce soit. Traduction de best-sellers américains et livres de vulgarisation historique, un peu suspects de nostalgie. C’était la succursale lisboète de la superbe Livraria Lelo de Porto, toute en boiseries art nouveau, dont on me dit que, prise d’assaut par les meutes de touristes, elle a dû instaurer un billet d’entrée. Elle était la seule à Lisbonne à proposer les 18 volumes des Obras completas de Camillo Castello Branco, Edição Lello & Irmão, reliure en plein simili cuir, avec gravures dorées exubérantes sur les dos et les plats. Trop exubérantes, scintillantes, vielle petite bourgeoisie.
Disparue la Livraria Portugal, un peu plus haut dans la même Rua do Carmo. C’était un mélange austère d’ouvrages techniques, de publications officielles, nationales ou européennes et d’un fond patrimonial de littérature que ne lisent plus les Portugais eux-mêmes. J’y ai acheté un ouvrage sur le droit de la communication et quelques livres de Teixeira de Pascoaes, Arte de Ser português, A Saudade e o Saudosismo, Napoleão. J’aimais que le rayon poésie voisine une petite fenêtre qui donnait vue sur un fragment de l’Elevador de Santa Justa, conçu en style néo-gothique par l’ingénieur Raoul Mesnier du Ponsard, et que l’on attribue un peu trop rapidement à Gustave Eiffel.

Disparue la petite librairie en forme de L des éditions Assírio & Alvim, qui trouvait refuge dans ce triste ensemble moderne construit dans le bas de la Rua Garrett, espace betonné, construit dans le grand vide laissé par le gigantesque incendie du Chiado du 25 août 1988. Cette petite librairie était un îlot de modernité et de cosmopolitisme. Les éditions Assírio & Alvim – qui heureusement existent toujours – proposent des traductions d’auteurs aussi divers que Dylan Thomas, Ezra Pound Emile Nelligan ou les autrices de tanka de l’âge d’or japonais, mais aussi de belles éditions des auteurs portugais : l’incontournable Pessoa, évidemment, mais aussi Gil Vicente, Cesario Verde, Gomes Leal, Camilo Pessanha, Mário de Sá-Carneiro, Eugenio de Andrade, Alexandre O’Neill, David Mourão-Ferreira, Jorge de Sena, Mario Cesariny, Herberto Helder, Ruy Bello, Al Berto, Antonio Ramos Rosa, Fiama Hasse Pais Brandão, Manuel Antonio Pina, et tant d’autres dont je n’ai pas encore mémorisé les noms. Dans la partie droite du magasin, on pouvait feuilleter des albums consacrés aux peintres et aux photographes, Julio Pomar, Maria Helena Vieira da Silva, Paula Rego. La disparition de cette petite librairie est celle que je regrette le plus. Elle était une provocation à la découverte d’une vie littéraire portugaise, souterraine durant l’Estado Novo, dont on trouve guère à Paris l’écho que dans la librairie de Michel Chandeige, Rue des Fossés Saint-Jacques. Les libraires d’Assírio & Alvim les seuls avec qui je cherchais à discuter, essayant en vain de les convaincre qu’il faudrait traduire en portugais et éditer la « Lettre de Lisbonne » de Larbaud.

Disparue la petite librairie d’une discrète maison d’édition dont j’ai oublié le nom, à l’angle de la Rua Nova da Trinidade et de la Travessa João De Deus. ContraNatura, la boutique voisine de lingeries et jeux érotiques est toujours là.
Disparue la petite librairie espagnole qui était dans une petite rue de la Baixa, au pied de la sinistre et tortueuse Calçada de São Francisco.
Disparue la librairie du Centro cultural do Brasil, à l’angle de la Calçada do Combro et de la Traversa do Convento de Jesus, juste à côté du café où Mina et moi passions des soirées à nous défier dans de mouvementées parties de matraquilhos, arosées à la bagaceira. Heureusement s’est ouverte il y a quelques années une nouvelle librairie brésilienne, la Livraria da Travessa, Rua da Escola Politécnica, désormais une des plus belles de la ville. Mais le Brésil, dont les papillons bleus faisaient rêver mon enfance, sera pour ma prochaine vie. Clarice Lispector, néanmoins, est arrivée à me séduire. Instabilité des sentiments.
Disparu l’alfarrabiste du bas de la Rua de O Século. Il m’avait été indiqué par la belle fée blonde qui gardait le Museu Julio Pomar lorsque je lui demandai où je pourrais éventuellement trouver le Pantagruel illustré par le maître.
Disparue de la Travessa São Boaventura, dans le Bairro Alto, la Livraria Ler Devagar. C’était plus qu’une librairie, un centre culturel, né dans les années 80, à l’époque où le quartier était le haut lieu de la vie alternative (et nocturne) de la capitale. Je me souviens d’une collection de quelques dizaines d’exemplaire des Temps modernes. La librairie continuait à vivre dans la nuit. La Ler Devagar s’est transférée à Alcantara, installée dans l’ancienne imprimerie du Diario de Noticias, au sein du périmètre tendance de LX Factory, sous la Ponte 25 de Abril. Elle est devenue célèbre par son cycliste suspendu dans les airs. Elle est toujours riche en vieilleries et en nouveautés multilingues, mais un peu trop loin pour mes promenades pédestres. Elle a une petite soeur, spécialisée en livres de philosophie, la Livraria da Fábrica, à l’autre boût de la ville, à Marvilla, dans cet autre centre à rêves qu’est la Fabrica Braço de Prata. C’est l’amie Teresa qui nous l’avait fait découvrir. Trop loin aussi, malheureusement, dans l’espace et dans le temps de la mémoire triste.
Disparue, dans une des ruelles du Bairro Alto, une librarie spécialisée dans les ouvrages de photographie, que m’avait signalée Marc Lenot, l’homme aux lunettes rouges. Elle était située au premier étage, il fallait savoir à quelle heure elle était ouverte, sonner pour être admis dans cette caverne d’Ali Baba. J’y trouvai l’album consacré à Joshua Benoliel, le photographe du Lisbonne de la première République.
Disparue la petite librairie anonyme, Rua San Bento, à peu près en face de la maison d’Amalia l’enchanteresse, où j’achetai Parasempre de Virgilio Ferreira, non encore lu, en sortant de la piscine du Clube Nacional de Natação et avant d’aller manger trois pasteis de nata à la Pastelaria Nita.
Disparue la librairie de déstockage qui s’étendait à l’étage lumineux du vieux Mercado da Ribeira, lequel est devenu le Time Out Market. Avec 26 restaurants, 8 bars, une douzaine de boutiques, un espace événementiel et une école de cuisine, il n’est pas étonnant que le Time Out Market soit devenu l’une des attractions touristiques du Portugal que je fuis le plus. On y trouvait d’antan, à des prix démarqués, des livres de cuisine, de vieilles éditions jaunies des Luisiades et des Tragédias maritimas, des romans historiques et sentimentaux, ou des poésies d’Alvaro de Campos, Alberto Cairo, Ricardo Reis en lourds volumes. Je n’ai pas vérifié si existent toujours d’autres étals de déstockage, que l’on trouvait sur le campus universitaire ou dans les vastes couloirs de certaines stations de métro
Disparues les librairies autour de Campo Grande et de l’université. Il y en avait une, assez moderne et accueillante, à l’angle de l’Avenida dos Estados Unidos de América. Un peu plus haut, de l’autre côté du jardin, l’ancienne librairie universitaire, un peu bordélique, riche en livres sur le 25 avril et où je trouvais des exemplaires de la collection de poche Biblioteca Ulisseia de Autores Portugueses. J’aurais dû collectionner systématiquement les livres de cette défunte collection de titres classiques, présentés par de solides introductions d’universitaires spécialisés. Pour mille escudos le volume, c’était un bon investissement. On n’en trouve plus que des exemplaires défraichis chez les alfarrabistes.
Disparue la librairie qui se trouvait à l’entrée du grand bâtiment de la Biblioteca Nacional, sur la droite. J’y avais trouvé, bien qu’esgotado le recherché O Mandarim d’Eça de Queiros, dans l’édition INCM précitée et les gros volumes, non encore lus, des poésies de Jorge de Sena, éditées chez Guimaraes. La salle, très grande, quasi exhaustive dans ses propositions de littérature nationale, était déserte. Le libraire, étonné ou ravi de mes achats, m’avait offert Os caminhos de Orpheu, superbe catalogue, richement illustré, d’une exposition consacrée à la revue fondatrice du modernisme portugais.
Disparue l’étroite librairie du Museu Nacional de Arte Contemporânea où je feuilletais les albums et me procurai les écrits d’Almada Negreiros.
Disparu, je le crains, le vieil alfarrabiste de la Calçada do Carmo, qui me trouva un petit livre bleu d’entretiens avec l’épouse d’Almada, Sarah Affonso, dont me ravit le portrait de Matilde lectrice.

Disparue la librairie Pó dos livros, « Poussière des livres », Avenida Duque De Avila, où notre amie Ana Maria Puga nous invita un jour à assister à la présentation de son recueil Em tempo do Ruido, a Caricia do Silencio.
Disparue la Loja Bertrand de la Praça Duque de Saldanha, où j’achetais un à un les volumes couleur bronze de l’Historia de Portugal de Antonio Borges Coelho. (J’en suis resté au volume IV, Na Esfera do Mundo). Cette boutique, au sous-sol d’un centre commercial, avait l’avantage d’être voisine de la très intello Livraria Almedina, qui fort heureusement, existe, elle, toujours. (Cet été, les traductions d’Habermas et de Kamala Harris y sont soldées à 40 % mais celles de Roland Barthes à 30). Almedina à ouvert d’autres magasins en ville, dont celle du Rato, dans les très jolis locaux d’une ancienne fabrique de vitraux, Rua da Escola Politécnica. (Et, évidemment, la principale boutique de la Livraria Bertrand, qui se targue d’être la plus ancienne librairie d’Europe, existe toujours Rua Garrett. C’est devenu une institution pour touristes et la climatisation vous happe les poumons dès l’entrée. J’y suis toujours client, par défaut, plus que par plaisir. Dès que je m’attarde un peu devant le rayon Poesia portuguesa, une vendeuse intrusive en tablier orange se précipite sur moi pour me demander ce que je cherche. Comme si je cherchais quelque chose…).
Disparu, également Praça Duque de Saldanha, le Novo Cinema Monumental, où j’allais à la recherche de DVD de films portugais. J’y trouvai O Espelho magico de Manoel de Oliveira.
Disparue la Livraria Barata, Avenida da Roma. Là aussi, j’y cherchais des DVD de films portugais. J’y trouvai un rare documentaire, A Toca do Lobo, de Catarina Mourão, partie à la recherche de l’histoire de son grand père, l’écrivain Tomaz de Figueiredo, qui après s’être mystérieusement séparé de sa femme, s’est retrouvé dans un hôpital psychiatrique, où il a passé un certain temps à subir un traitement par décharges électriques. On pouvait aussi trouver à la Livraria Barata les oeuvres complètes de Kim il Sung et d’autres choses un peu étonnantes. Elle a été rachetée par la Fnac et n’a plus aucun intérêt.
Disparu le rayon Dvd de la Fnac, où je trouvais les films de Pedro Costa, de Fernando Lopes, les premiers Oliveira Douro, Faina Fluvial et Aniki-Bobo, les drames de Leitão de Barros et les comédies anciennes, O Pátio das Cantigas, qui faisaient rire Tita et Mariana.
Disparu du Rossio, depuis longtemps, le magasin de disques Valentim de Carvalho, propriété du grand éditeur phonographique national et, dans la Baixa, le petit magasin de disques qui faisait l’angle de deux petites rues et dans lequel je trouvais des enregistrements de cantigas de amigo, de Zeca Afonso, de Fernando Lopes-Graça.
Disparue, dernière en date, la Livraria Ferin, deuxième librairie la plus ancienne du pays, fondée en 1840 par Maria Thereza Ferin et son mari belge Pierre Langlet. Installée Rua Nova de Almada, cette rue qui descend du Chiado vers la Baixa, c’était une librairie très cossue, riche en livres d’art et ouvrages historiques, un peu intimidante. Elle disposait d’un petit rayon de classiques portugais traduits en français et je me souviens d’y avoir acheté Ciel en feu de Mario de Sa-Carneiro. Sa fermeture, en décembre 2023, a été discutée au Conseil municipal. La disparition de l’espace, considéré comme patrimonial, inquiétait ceux qui ont encore un peu d’intérêt pour l’histoire culturelle du Chiado, désormais livré aux marques internationales de frippiers. L’été dernier, j’avais constaté que le lieu était en travaux, ce qui était mauvais signe. C’est à présent là que se trouve une nouvelle boutique de A Vida Portuguesa, cette chaîne de magasins qui est « née avec le désir d’inventorier les marques qui ont survécu au temps, l’intention de revaloriser la qualité des produits manufacturés portugais et le désir de révéler le Portugal de manière surprenante. » Ces boutiques qui proposent tissus traditionnels, reproduction de vieux cahiers d’écoliers, produits quotidiens d’il y a un siècle, ne manque pas de charme rétro, et leur petit rayon livres n’est pas inintéressant, mais la Ferin ne fêtera pas son bicentenaire. Comment vais-je compléter désormais la collection de la Lisboa desaperecida de Marina Tavares Dias ? Plusieurs volumes manquent encore à l’appel.
Disparu de ma mémoire l’emplacement du sympathique disquaire qui nous conseilla les mornas d’Ildo Lobo et l’unique disque d’Alcides, le fils de Bana, dont la première plage ouvrit en fanfare le bal de notre mariage.
Disparus de ma mémoire les souvenirs de jours de pluie et de nuits ardentes.
Bah, dorénavant nous lirons sur nos smartphones la chronique de la guerre nucléaire annoncée. Les sous-marins se positionnent. Dmitri Medvedev nous conseille de regarder The Walking Dead. C’est encore une histoire de promenade ?
Lisbonne, 2 août 2025.


Mon cher André, quelle belle nostalgie.
Tu as écrit un bien nécessaire texte historique.
jje ne te parlerai pas de Liège, désert culturel devenu.
JE REGRETTE DONC LA CONFIDENTIALITÉ DE TES ÉCRITS.. Lionel Rombouts
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Merci cher Lionel. Tu me donnes l’idée d’écrire un « Lèyîz-m’ plorer les librairies liégeoises ». Je n’ai malheureusement des photos que dans la tête.
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